dimanche 23 août 2020

ICONOCLASMES #4: PRINTEMPS AMERS




On commémorait ces derniers jours les 52 ans de l'entrée, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. L'intervention armée mit fin au "Printemps de Prague", et à la perspective qu'il esquissait d'un "socialisme à visage humain".

Avec ce qui se passe actuellement en Belarus, ces commémorations ont, cette année, un goût particulier, puisque le risque d'une intervention militaire russe flotte dans l'atmosphère, de Brest à Mahiliow/Mogilev, en passant par Minsk/Mensk (pour des explications sur ces doublons nominaux, lire ici). Contrairement à ce qu'affirment tant une certaine gauche campiste ou rouge-brune, que les néolibéraux, la Belarus n'est pas un des derniers régimes communistes et anti-impérialistes, à protéger vigoureusement pour les premiers, et à faire tomber pour installer le capitalisme, selon les seconds. Si le régime a conservé des ingrédients de socialisme, il est parfaitement au fait des subtilités les plus profondes du libéralisme globalisé, de l'usage des paradis fiscaux, pour enrichir le clan au pouvoir, aux achats d'armes. Il est aussi  un satellite complaisant de l'impérialisme - économique et politique - russe, lequel considère l'ancienne URSS comme sa chasse gardée. Ce qui se joue aujourd'hui en Belarus n'est donc pas un ectoplasme bolchévique sorti des placards rouillés de la Guerre Froide, comme l'affirment les néo-libéraux, mais simplement le désir d'émancipation d'une population, fatiguée de souffrir à la fois d'un régime dictatorial et des calculs cyniques de Moscou, ainsi que parfois de ceux de l'Occident, qui parvient à faire ses "affaires", malgré les sanctions et les embargos occasionnels.

La menace d'une intervention militaire russe, si elle reste à ce jour hypothétique, rappelle bien, elle, en revanche, les procédés de l'époque soviétique. Et pour cause.
Le bloc soviétique n'était qu'un apanage, habilement recyclé, de l'impérialisme russe, qui, de surcroît, jouait la carte du panslavisme et du messianisme

lundi 10 août 2020

MESSAGE DE SERVICE: BUG DE BLOGSPOT CONCERNANT LES COMMENTAIRES


Blogspot, qui héberge ce blog depuis ses débuts, vient de modifier une partie de son back-office, c'est à dire l'interface qui permet de gérer "en interne" la publication des posts et la configuration du blog, à travers tout un ensemble de fonctionnalités: choix des polices de caractères, insertion de photos ou de vidéo, activation de liens, mais aussi esthétique générale du blog et affichage des posts, etc...etc. Comme souvent avec les GAFA (Blogspot appartient à Google!) ainsi que chez bon nombre de prestataires internet et numériques, ce changement a été effectué unilatéralement et sans prévenir les usagers. 

Je ne suis pas par principe rétif à des changements et à la nouveauté, mais je trouve l'interface moins agréable à utiliser, et certaines manipulations désormais moins ergonomiques, comme par exemple l'attribution des tags (une catastrophe!), l'affichage en deux temps de la barre des fonctionnalités usuelles (pas pratique!), l'insertion, la disposition et le changement de taille des photos (une cata aussi!), ainsi que le marqueur d'extension qui beugue affreusement (=fonctionnalité qui permet l'affichage réduit du post, accompagné de la mention "lire la suite"). C'est très dommage parce que j'avais choisi Blogspot à l'origine, non seulement à cause du bon référencement que la plateforme permet, mais aussi et surtout pour son ergonomie facile et agréable, permettant une prise en main rapide, même aux moins "geeks" d'entre nous. Donc, si jamais vous me lisez chez Blogspot/Google, bonjour chez vous et voilà mes retours!

Mais le plus grave dans cette affaire est que j'ai découvert, un peu par hasard, et à la faveur de ce changement, plusieurs commentaires postés par des internautes, dont je n'avais jamais eu connaissance auparavant, pour la simple et bonne raison que ces commentaires n'apparaissaient pas auparavant dans la rubrique "modération" du back-office, laquelle permet de lire en amont, puis de publier les commentaires en question, si toutefois ils respectent la charte des commentaires. Pas de mails non plus informant de l'envoi d'un commentaire, comme c'était le cas à une époque. Ces commentaires n'existaient tout simplement pas. Le problème, c'est que certains de ces commentaires dataient de 2018, ou 2019, et qu'il étaient parfois le fait de lecteurs ou lectrices fidèles.

J'ai immédiatement publié tous les commentaires en souffrance, sauf un, envoyé récemment sur Serbian Reset, assez hystérique, agressif, voire limite menaçant, et assorti de la mention "KOSOVO JE SRBIJA" ("LE KOSOVO C'EST LA SERBIE"), formule toute faite dont on mesure depuis plus de trente ans l'efficacité pour ce qui est d'avoir permis de maintenir le Kosovo dans le giron serbe! Je n'ai pas encore décidé du sort de ce dernier commentaire (poubelle ou publication suivi d'une réponse)...

Je présente donc mes excuses à tous les commentateurs et commentatrices de ce blog qui auraient été victimes de ce dysfonctionnement, indépendant de ma volonté, en espérant qu'ils et elles prennent connaissance de ce message de service.

A bientôt pour d'autres posts et pour d'autres commentaires, en espérant que ce bug ne soit plus qu'un mauvais souvenir!

Photo d'illustration: "Chantier. Accès interdit à toute personne étrangère aux travaux"

samedi 8 août 2020

PAROLES...PAROLES...

 

On a récemment commémoré les 25 ans de "Srebrenica", et le blog a lui-même apporté sa pierre 2.0 à l'édifice du souvenir, jetant aussi au passage quelques pierres à ceux qui continuent de nier ou de minimiser les faits. A l'occasion de ces commémorations, j'ai également vu circuler abondamment sur les réseaux sociaux le discours d'Emmanuel Macron sur cette tragédie (vidéo ci-dessus), avec souvent des commentaires enthousiastes, ou, tout au moins, favorables aux propos du président français. Il est clair que je n'ai aucune sympathie, et je reste poli, pour ce dernier, ni pour sa politique, mais je ne voudrais pas, avec ce qui va suivre, donner l'impression de vouloir polémiquer pour polémiquer, autour d'un sujet aussi grave que le génocide de Srebrenica, qui appelle humilité, recueillement, et dépassement temporaire des divergences politiques. A vrai dire, ce n'est pas le rapport à cette horrible tragédie qui me pose soucis dans les paroles du Président de la République.

Simplement, j'avoue ne pas pouvoir rester de marbre, ni contenir un mélange d'irritation et d'amertume, en écoutant ce discours, typiquement français, plein d'emphase, de lyrisme, d'humanisme, et de belles paroles, de la part d'un homme qui, il y a à moins d'un an (novembre 2019), qualifiait la Bosnie-Herzégovine de "bombe à retardement aux portes de la Croatie", à cause du retour de djihadistes bosniaques dans la pays, lui fermant au passage la porte du processus d'adhésion à l'UE.

samedi 11 juillet 2020

SREBRENICA, NOMS ET PRENOMS

Les noms, les prénoms, et l'année de naissance des victimes du génocide de Srebrenica. Un rappel que derrière les chiffres, derrière l'actualité, derrière l'histoire, les morts de "Srebrenica" ne sont pas des statistiques, des notions abstraites, encore moins une variable d'ajustement politique et mémorielle....
Les morts de "Srebrenica" étaient des individus, avec un nom et un prénom, avec une existence. Ils avaient un métier. Ils avaient des familles, des amis, des collègues. Ils avaient des hobbys et des passions. Certains jouaient de la guitare, d'autres aimaient le cinéma américain, le football, ou encore la randonnée dans les magnifiques montagnes et forêts environnantes. Ils avaient des rêves, des projets, des ambitions.

 

jeudi 9 juillet 2020

SERBIAN RESET

Manifestation devant le parlement serbe, mardi 7 juillet 2020.
Photo (c) Andrej Isakovic / AFP.

Quelques regards et réflexions personnelles à chaud et en vrac sur ce qui se passe en Serbie depuis mardi soir. Post écrit un brin en "tourné/monté", sans forcément beaucoup de recul, mais avec néanmoins l'envie de partager quelques clés de compréhension sur ce qui se joue...

dimanche 7 juin 2020

LES PRELETAČI: QUI SONT-ILS ? QUE VEULENT-ILS ? QUELS SONT LEURS RESEAUX ?

"Preletači" par Jakša Vlahović,
caricaturiste du quotidien serbe Politika.

J'ai regardé il y a quelques temps un documentaire de la journaliste Maja Nikolić sur la chaîne N1 Srbija, datant d'il y a deux ans et consacré aux "preletači". Ce terme (prononcé en français "prélétatchi"), désigne en Serbie les femmes et hommes politiques qui, non seulement "retournent leur veste" mais endossent celle d'un nouveau parti politique.
Le mot est construit à partir de la racine "let" qui signifie vol, au sens de vol aérien, et du verbe "preletati" qui signifie selon les contextes s'envoler, survoler, voler d'un point à un autre, transférer, ou encore "migrer", comme le font les oiseaux migrateurs. Bref, "
preletači" pourrait se traduire grossièrement par "ceux qui volent ou migrent d'un parti politique à un autre".

Les preletači sont un véritable phénomène de société en Serbie (et au delà, dans la Yougosphère), au point que l'expression est rentrée dans le langage courant, ce qui explique que je l'utiliserai ici dans son jus linguistique local, sans la traduire.

S'il fallait résumer de façon schématique le phénomène, on pourrait dire qu'il consiste, au gré de la météo politique serbe, à quitter un parti pour rejoindre celui qui est au pouvoir ou celui qui a le plus de chance d'emporter le pouvoir. Et tant pis si c'est un parti que l'on a sévèrement critiqué et vigoureusement combattu par le passé. Le "preletač" défendra son nouveau parti avec la même détermination qu'il l'a autrefois combattu.

jeudi 30 avril 2020

FISSURES SISMIQUES ET FRISSONS DE MUSIQUE


Vous le savez probablement, le 22 mars dernier, Zagreb a été frappée par un tremblement de terre particulièrement violent, suivi d'ailleurs par un certain nombre de répliques de moindre intensité. Les dégâts matériels sont considérables, dans une ville où le maire, Milan Bandić, adore bâtir du neuf rutilant et clinquant, pendant que l'ancien est négligé, "l'ancien" pouvant être des bâtiments de la période socialiste. De fait, une bonne partie du centre-ville a souffert de dégradations plus ou moins graves selon les bâtiments. La cathédrale de Zagreb, un des symboles de la capitale, a été endommagée, ainsi que des hôpitaux, des institutions publiques, sans oublier de nombreux appartements et maisons de particuliers. Tout cela s'est déroulé sur fond de crise du Covid-19, laquelle frappe aussi la Croatie, où des mesures de confinement sensiblement proches de celles de la France ont été prises. De fait, ce tremblement de terre est venu aggraver la situation d'une population déjà fragilisée par la situation sanitaire et déjà précarisée par des années de "transition économique" dont les bienfaits ne profitent qu'à une minorité. On compte de nombreux sans abris, des gens qui ont tout perdu, ou qui se retrouvent à devoir engager des réparations coûteuses. 

samedi 28 mars 2020

LA DISCO EST ELLE SOCIALISTE ?

"Socialistički disko, Ples iza jugoslavenske baršunaste zavjese", en français "disco socialiste, la danse derrière le rideau de velours yougoslave", est le nom d'une compilation sortie en 2018 sur le label indépendant croate Fox & his Friends. Disco socialiste ? Accoler ces deux mots relève presque de l'oxymore, tant le pouvoir d'évocation de chacun semble renvoyer à des univers opposés. Ce binôme sémantique a probablement et avant tout une vocation marketing, celle de surprendre, de dérouter, voire de provoquer, et partant, de susciter l'attention et la curiosité. Mais le titre de cette compilation dépasse peut-être cet aspect purement marketing, pour faire véritablement sens, on le verra.

mercredi 25 mars 2020

ASTERIX LE YOUGAULOIS


Petit clin d'oeil yougosonique à Albert Uderzo, qui vient de nous quitter, rejoignant son complice Goscinny au banquet éternel des auteurs de BD, où, je l'espère, la cervoise coule à flot, les sangliers grillent en continu, Bretécher tient le bar-tabac et Fred deale de la bonne dope...
 
Asterix et Obélix ont aussi bercé des générations de Yougoslaves, les aventures du "Gaulois réfractaire" à la domination romaine ayant été traduites et publiées dès les années 60. La BD est très populaire encore aujourd'hui, et je pense qu'elle s'est même mariée à merveille avec certains traits de la mentalité locale.

dimanche 15 mars 2020

TOUTE RESSEMBLANCE AVEC DES FAITS D'ACTUALITE...

En 1982, le cinéaste serbe Goran Markovic tournait son film le plus singulier et le plus impressionnant: "Variola Vera", inspiré d'un fait réel, à savoir l'épidémie de variole qui survint au Kosovo, avant de gagner Belgrade, en 1972. D'après la plupart des sources (ce point est parfois contesté), c'est un dignitaire musulman de la région de Prizren, qui, de retour d'un pèlerinage au Moyen-Orient, en rapporta le virus. D'abord incrédule, le corps médical prit du temps à faire le bon diagnostic, la variole étant considérée comme éradiquée depuis plusieurs décennies en Yougoslavie. De leurs côtés, les autorités essayèrent de dissimuler l'épidémie à la population, à la fois pour éviter un vent de panique, mais aussi parce que le retour en Yougoslavie communiste de cette maladie pouvait semer le doute sur la solidité du système, en particulier dans le domaine de la santé. L'épidémie se propageant avec son lot de morts, le pouvoir fut finalement obligé de rendre l'information publique et de prendre les mesures qui s'imposaient, en l'occurrence une campagne de vaccination à l'échelle de tout le pays, dont se souviennent encore celles et ceux qui ont connu cette période, lesquels font aussi état du climat qui régnait alors à Belgrade, principal foyer de l'épidémie: un climat délétère où la paranoïa le disputait à la suspicion ou à l'égoïsme.


dimanche 10 novembre 2019

LES MURS SONT ETERNELS


Aujourd'hui nous nous souvenons de toi, petit ange parti trop tôt. Et toi, tu te souviens? Tu étais fier et droit. Imposant et minéral. Froid et ferme. Tu nous protégeais des méchants qui étaient de l'autre côté de toi, de chaque côté. Tu devais durer 100 ans, mais "ils" t'ont détruit, et plus rien n'est comme avant. Tu nous faisais peur, de part et d'autre de toi-même, mais tu organisais nos vies, et c'était simple.

dimanche 27 octobre 2019

LE HERISSON HERETIQUE

Il y a 70 ans, en 1949, sortait en Yougoslavie "Ježeva Kučica", livre culte de l'écrivain Branko Copic (prononcer respectivement "Yèjèva Koutchitsa" et "Brann'ko Tchiopitch").

"La petite maison du hérisson" est une fable morale pour enfants, écrite en vers dans un style entre poésie épique et légende populaire.

L'histoire conte un épisode de la vie de Ježurka Ježić (prononcer Yèjourka Yèjitch), hérisson flegmatique, vivant modestement dans sa tanière au coeur de la forêt, une tanière que, pour rien au monde, il ne quitterait. Hérisson se dit jež en serbo-croate (prononcer yèj), et le nom du héros est donc une construction, intraduisible, autour de ce mot racine (on pourrait tenter un "Héri Le Hérissonnet").

L'intrigue commence avec la lettre que le lapin-facteur apporte à Ježurka, une lettre envoyée par la "renarde" (lisica, prononcer "lissitsa", "renard" en serbo-croate, est un mot féminin dans cette langue), qui l'invite à déjeuner chez elle. Invitation acceptée sur le champ par notre hérisson. Les deux personnages s'échangent de nombreuses politesses et bons mots, et font bonne chère.

mardi 1 octobre 2019

"ARTWASHING" SUR LES BORDS DE LA SAVE

Le Musée d'Art Contemporain de Belgrade (Muzej Savremene Umetnosti, MSU) accueille, du 21 septembre 2019 au 20 janvier 2020, "The Cleaner" ("Čistać" en langue locale), vaste rétrospective consacrée à Marina Abramovic. C'est un événement à plus d'un titre, et en particulier parce que la dernière exposition à Belgrade de la pasionaria de "l'art-performance-extremo-conceptuel" remonte à ...1975. Un événement aux allures de come-back qui pourtant déchaîne les passions et génère une chaude et belle polémique, digne de celles dont l'Hexagone est coutumier. En cause, le budget faramineux de l'exposition, plus d'un demi million d'euros, autant que le budget annuel du MSU lui-même, MSU dont il faut rappeler qu'il fut, à l'instar d'autres musées de la Yougosphère, longtemps fermé pour cause de travaux de rénovation inachevés...faute de budget. Le musée à réouvert en 2017, après 10 ans de fermeture, et reprend peu à peu son rythme de croisière. L'expo de Marina Abramović tombe donc à pic pour, idéalement, relancer cette institution, crée en 1965 malgré le mépris de Tito pour l'art contemporain, jugé par le maréchal comme décadent, bourgeois, et occidental, mais c'est une autre histoire, quoique...

 Le MSU.

Mais au fait, qui paye ? C'est dans la réponse que se trouve le principal point de crispation de la polémique, car c'est l'Etat serbe, c'est à dire le gouvernement d'Aleksandar Vučić, qui a débloqué les fonds publics nécessaires à la tenue de l'exposition. Dans un pays où la majorité de la population continue de survivre avec des revenus autour de 500 euros pour un coût de la vie guère plus bas que celui de la France, cette dépense somptuaire heurte, d'autant que le gouvernement Vučić, l'un des plus impopulaires de l'histoire contemporaine serbe, demande à ses concitoyens des "poursuivre les efforts face aux indispensables réformes" (refrain entendu ailleurs), et se voit vigoureusement critiqué pour ses investissements calamiteux dans des projets comme l'ultra controversé "Beograd na Vodi", qui défigure à jamais la ville basse de Belgrade avec ses buildings "de grand standing", sans répondre aux besoins réels et pressants de la capitale en termes de logement, d'urbanisme, d'infrastructures, et d'écologie.

Au delà des procès habituels en élitisme et autre poujadisme anti-artistiques qui s'expriment contre Marina Abramović, et auxquels il est évidemment ici hors de question de prêter le flanc, il faut préciser que cette exposition et son financement posent question jusque dans les milieux artistiques ou intellectuels eux-mêmes. A priori favorables à Marina Abramović, ou reconnaissant au moins l'importance de son oeuvre, ces artistes et intellectuels sont - pour la plupart - opposés au régime d'Aleksandar Vučić. Entre les difficultés à créer ou à penser en Serbie, la critique du pouvoir, et la recherche d'une position équilibrée face à cette exposition, leur désarroi est profond.

Dans le flot des commentaires plus ou moins pertinents qui agitent les débats autour de cet événement, un point de vue me semble se démarquer, à la fois parce qu'il expose précisément les problèmes que constitue ce soutien de l'Etat à "The Cleaner", qu'il en identifie les enjeux cachés, mais aussi parce qu'il fait intelligemment la part des choses. Ce point de vue est celui de Branislav Dimitrijević, éminent théoricien et historien de l'art, commissaire de nombreuses expositions, et connaisseur avisé de la création artistique yougoslave et post-yougoslave. Interrogé récemment par Radio Slobodna Europa, l'antenne serbe de Radio Free Europe, il répond avec des mots choisis, et des arguments affûtés, ainsi que parfois un soupçon d'ironie (interview complète ici, en serbo-croate). Je traduis et reprends ici la majeure partie de ses propos, auxquels je souscris entièrement, avant de proposer quelques réflexions et commentaires personnels sur cette affaire :

lundi 30 septembre 2019

LE CHANGEMENT, C'EST MAINTENANT!

Suite à de nombreuses réflexions personnelles, complétées d'échanges avec des amis instruits et réfléchis sur les questions liées au web 2.0, ce blog et son prolongement facebookiens vont connaître quelques changements. L'envie est forte depuis longtemps de redonner un nouveau souffle à un travail, commencé ici en 2011 sans trop savoir où il allait nous mener, mais assez original et excitant pour que son auteur, malgré d'inévitables phases de doutes, pertes d'inspiration ou simple surcroît de "Real Life", n'ait jamais eu envie de le lâcher. Cette motivation s'est vue aussi entretenue par le fait que, de l'autre côté de l'écran, un public, certes peut-être modeste voire "de niche", s'est constitué et semble trouver matière à s'enrichir l'esprit dans les thèmes que j'ai ici développés et les angles que j'ai choisis.
 
Si le bilan est donc "globalement positif", cette aventure affiche néanmoins selon moi des signes de fatigue et une légère sensation de surplace...Ce ne sont pas forcément les sujets ou les approches, parfois ressassés, qui sont en cause, même si, ça et là, je peux avoir le sentiment d'avoir fait le tour d'une question. J'ai mes obsessions, mes mauvaises têtes, mes parti-pris, mes centre d'intérêts et mes convictions, et forcément, ils viennent habiter, parfois malgré moi, comme le naturel qui revient au galop, la plupart des publications. Je crois pourtant, et sans ici me la raconter, avoir réussi, sans trahir les envies de départ, à diversifier le propos au fil du temps, et aussi à évoluer sur certains points de vue...

jeudi 22 novembre 2018

FRATERNITE DE LA DISSONANCE


Les récentes commémorations de la première grande boucherie mondiale du siècle dernier sont un bon prétexte pour sortir des tiroirs un projet musical singulier, passé globalement inaperçu: "Serbian war songs" est paru en 2017, et je n'ai moi-même découvert ce disque que très récemment, un peu par hasard. Le titre est à la fois trompeur et exact. En l'occurrence, ce n'est pas à proprement parler une anthologie de chants militaires éditée pour renflouer le budget de l'armée serbe fragilisé par les guerres des années 90, ni une énième initiative patriotique glorifiant les hauts faits d'armes de cette valeureuse nation. Non. Si ces "chansons de guerre serbes" sont bien des oeuvres du folklore traditionnel ou du répertoire militaire, composées à l'époque de la Première Guerre Mondiale en Serbie, elles sont ici "déconstruites" pour être réinterprétées dans le langage particulier des musiques d'avant-garde. 

mardi 9 octobre 2018

COPINAGE: GRENOBLE CAPITALE DU NSK


Dans les très prochains jours, à savoir du 11 au 14 octobre 2018, la capitale du Dauphiné sera, pour la deuxième année consécutive, l'épicentre du NSK en France. 

Le NSK, alias "Neue Slowenische Kunst" ("Nouvel Art Slovène", en allemand dans le texte), c'est ce mouvement artistique né au tout début des années 80 en Slovénie, autour du célèbre groupe Laibach, volontiers évoqué dans ce blog ou sur son pendant facebookien. Le NSK s'est posé au départ en miroir des tensions et contradictions de la Yougoslavie post-Tito, ainsi que de la société slovène d'alors, dévoilant les ambiguïtés et fractures d'un régime finissant, dont certains des acteurs allaient troquer le "socialisme antifasciste" pour le "nationalisme autoritaire" afin de se maintenir au pouvoir. Le tout sur fond de "détachement cynique" d'une population qui, majoritairement, ne croyait plus à l'idéologie (si tant est qu'elle y ait cru un jour), mais "faisait semblant", avant de se laisser tenter à son tour par la promesse de réalisation du grand rêve national, sensé remplacer la ringarde "fraternité et unité".

samedi 6 octobre 2018

REGARDS SERBES DANS LE MIROIR CATALAN

Les aspirations indépendantistes qui s'expriment en Catalogne font aussi causer en ex-Yougoslavie, où le sécessionnisme fait partie de l'histoire récente, voire de l'actualité (cf. l'épouvantail récurrent de la sécession de la Republika Srpska). La grave "crise" de l'automne 2017 entre Madrid et Barcelone a volontiers sonné sur place comme un retour du refoulé de la crise yougoslave d'alors, même si toutes les comparaisons et analogies avec celle-ci ne sont pas forcément pertinentes. On a largement commenté sur place ces événements, que ce soit chez les professionnels de l'information (la presse) ou chez les "amateurs" sur les réseaux sociaux. Chacun est allé de son analyse, projetant bien souvent un regard yougo-centré, pas forcément inexacte ou inintéressant, mais parfois néanmoins emprunt de fantasmes ou de raccourcis.

Pour le dire concrètement mais de façon schématique, les pro-indépendance ont inscrit le combat catalaniste dans une même dynamique que le combat indépendantiste de leur peuple lors de la dislocation yougoslave. Le "mouvement catalan", réputé "moderne", dynamique, modéré, et ancré dans les valeurs européennes, a eu bon dos pour certifier que les indépendances d'alors (ou à venir) dans la Yougosphère étaient légitimes et bien intentionnées. Une façon d'effacer les pots cassés et autres dommages collatéraux de ces indépendances, de la purification ethnique, administrative ou militaire, aux crimes de guerre. Du côté de ceux qui expriment des réserves ou sont ouvertement défavorables à l'indépendance de la Catalogne, on a justement rappelé avec force combien les envols pris par les uns et les autres en Yougoslavie ont généré de violence, certains exprimant leur inquiétude, affirmant que les Catalans ne savaient pas ce qui les attendait en termes de répression.

vendredi 11 mai 2018

PLONGEES EN ABYSSES


C'est la bonne nouvelle de l'édition qui démarre en ce moment, le Festival de Cannes propose cette année deux films en liens avec la Yougosphère qui me paraissent plus que dignes d'intérêt: "Chris the Swiss" de la Suissesse Anja Kofmel et "The load/Teret" du Serbe Ognjen Glavonic (prononcer Og'niène Glavonitch). Je n'ai pas encore vu ces deux films, puisqu'ils ne sont pas sortis en France à ce jour, mais il se trouve que je connais assez bien le contexte auquel "Chris the Swiss" fait référence. Quant à Ognjen Glavoni, outre le fait que j'ai bu des bières avec lui au Festival Intergalactique de l'Image Alternative à Brest en 2014, ce qui indéniablement crée des liens, je suis aussi fan de son travail cinématographique. J'avais adoré son "Zivan pravi pank festival", portrait d'un jeune marginal de Voïvodine se piquant d'organiser un festival punk dans son village, et je viens de voir "Dubina Dva/Depth Two", dont "the Load" est le prolongement. 

Ce post ne parlera pas des films présentés à Cannes en tant que tels, mais propose des développements et extrapolations contextuels qui me semblent utiles à partager, en attendant que "Chris the Swiss" et "the load" soient projetés sur nos écrans, je l'espère, très largement, c'est à dire pas seulement à Paris, Lyon, et éventuellement Marseille, mais aussi chez les bouseux de province, qui aiment eux-aussi voir des films qui instruisent ou font réfléchir. Cette dernière remarque s'adresse aux professionnels de la profession (distributeurs, diffuseurs...), au vu de la difficulté de voir des films d'ex-Yougoslavie hors grandes métropoles et festivals spécialisés. Même les derniers Tanovic ont été très mal diffusés. Ce problème ne concerne bien-sûr pas les films d'Emir Kusturica, mais ça on le savait déjà... Fin de la parenthèse.

Les deux films ont ceci de commun de plonger dans certaines abysses des guerres yougoslaves, dealant chacun avec des faits encore aujourd'hui tabous voire volontairement passés sous silence, le tout dans deux pays clés du conflit: la Croatie et la Serbie.